vendredi 30 novembre 2007

L'humour de dieu(x)


Savez-vous comment s’est formée la voie lactée ? Lisez bien. Ça ne manque pas de sel. Junon, terriblement jalouse d’Hercule, fils adultère parmi d’autres de son époux Jupiter, fut amenée auprès de l’enfant par Minerve, laquelle l’apitoya et la persuada de lui donner le sein. Mais Hercule appuya avec une telle force sur sa poitrine que le lait qui en jaillit donna naissance à la voie lactée !
Le Tintoret immortalisa cette légende mythologique dans un tableau conservé à Londres à la National Gallery The Origin of the Milky Way. Cependant, dans ce tableau, Junon est assoupie et c’est Mercure qui approche Hercule du sein de Junon. Mais le résultat est le même.

samedi 24 novembre 2007

Le rire du tueur

Vu à la télé. Dans un reportage bouleversant et extrèmement choquant sur le massacre de Sebrenica au cours duquel furent tués à la chaîne par les Serbes, parfois après avoir été torturés, plusieurs milliers d’habitants de cette ville bosniaque, on peut voir l’un des tueurs et instigateurs présumés de cette tuerie caresser son chat avec douceur sur son balcon. Les charges contre cet homme, grâce aux témoignages, recoupements, images vidéo et dénonciations, sont accablantes. Cela ne l’empêche pas de vivre en toute impunité dix ans après le massacre entre sa femme et ses deux filles et par-dessus le marché sous les yeux des forces américaines. Quand le journaliste lui demande s’il a peur d’être arrêté, le tueur se met à rire comme si la question était saugrenue puisqu’il est innocent. Le rire n’en est pas moins gêné et même franchement jaune, le regard est fuyant. En voyant rire cet homme, je me suis dit que s’il n’avait vraiment rien à se reprocher, il n’aurait certainement pas ri. Car être accusé d’avoir participé à un massacre aussi cruel et de cet ampleur si l’on est innocent, ne peut que provoquer une réaction de protestation véhémente à la hauteur de la gravité de l’accusation et ne serait-ce que par respect pour les victimes innocentes, mais sûrement pas le rire. C’est pourquoi, en riant, cet homme paisible qui ne semble avoir peur de rien, notamment du Tribunal Pénal International de La Haye, a bel et bien, sans même s’en rendre compte, signé avec éclat son aveu. Maintenant, que cet homme tout comme ses supérieurs hiérarchiques Radovan Karadžić et Ratko Mladic qu’on pourrait arrêter du jour au lendemain car on sait où ils se trouvent, ne soient pas inquiétés par la justice internationale reste un mystère au point qu’on peut se demander à qui profitent leur liberté et leur silence, autrement dit leur crime. S’il n’était pas question de la mort atroce, préméditée et organisée de milliers d’innocents, ce mystère nous porterait presque à rire tant il est absurde et aberrant. Mais rassurons-nous : les tueurs en liberté, eux, n’en doutons pas, doivent se réveiller plusieurs fois par nuit pour en rire.

lundi 19 novembre 2007

Aphorismes

Les vedettes de télévision ne sont jamais que des images hertziennes ou numériques, rien de plus.

Le desespoir fait vivre

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Aphorismes personnels in Aphorismes de comptoir, Ed. de l'Adret, 1999

mardi 13 novembre 2007

L'humour d'Ovide


Dans les Remèdes à l’amour, Ovide (43 av. JC-17 ap. JC), après le fameux Art d’aimer, nous livre tout ses secrets et toutes ses ficelles, aussi étonnantes que drôles, pour réussir le difficile travail contraire de désamour.
Premier précepte : faire vite et ne pas attendre qu’une blessure guérissable ne se solde par une lourde peine. Puis il conseille de fuir l’oisiveté. “Vous recherchez pourquoi Égisthe accomplit l’adultère ?” écrit le poète latin. “La raison en est simple : il était désœuvré.” Il ne faut donc pas hésiter à se livrer à toutes sortes d’occupations : la guerre, les tâches campagnardes, la chasse et les voyages, tout est bon pour oublier l’amante que l’on ne veut plus aimer.
Foin des philtres et des sortilèges ! Le poète est formel : ce n’est pas par le traitement par les plantes ou le désenvoûtement qu’on arrivera à désaimer.
Mais là où Ovide commence à devenir franchement drôle, c’est quand il conseille de dénigrer l’être aimé en se remémorant “les actes de l’odieuse garce… et toutes les avanies subies de sa part”, rien de tel selon Ovide pour aigrir tous les sentiments; voir tous ses défauts même s’il ne faut pas hésiter à tromper son jugement “Appelle-la obèse si elle est bien remplie… à une fille gracile, on peut toujours reprocher la maigreur”. Pire encore, faire en sorte que la personne aimée exhibe ses déficiences : “Réclame qu’elle chante si la fille n’a pas de voix, fais-la danser si elle ne sait pas bouger la main… si ses dents sont mal plantées, fais-la rire avec des histoires”.
Pas mal non plus quand le poète recommande de rendre visite à l’improviste à sa maîtresse au petit matin pour la surprendre sans sa parure et pour contempler son visage “au moment où elle s’enduit la face de poisons juxtaposés.”
Mais le meilleur -et le non moins drôle- reste à venir quand Ovide nous explique comment se guérir de l’amour justement dans l’acte de Vénus. Tout d’abord, il conseille “pour éviter d’être pris au piège des joies que dispense la maîtresse” de trouver avant “une quelconque autre femme… avec laquelle épuiser (sa) première volupté : du coup la suivante sera sans enthousiasme.” Puis il suggère, pour l’union de Vénus, de choisir “la posture la moins flatteuse pour elle” non sans prendre le soin d’ouvrir toutes les fenêtres pour mieux contempler tous ses défauts physiques et graver dans son esprit à jamais ses imperfections.
Ovide ensuite “recommande aussi d’avoir deux maîtresses à la fois” et même davantage au nom du fait que “chaque amour sape l’influence de l’autre”. Le frère d’Amphiloque ne délaissa-t-il pas la fille de Phégée parce qu’il offrit à Callirrhoé le refuge de son lit ? écrit-il pour conforter son précepte.
Le poète conseille ensuite en vrac à l’amant de fuir la solitude et de chercher la compagnie des autres et leurs conversations, de jeter au feu sans pitié les lettres d’amour de sa maîtresse et ses portraits, de fuir les endroits trop riches en souvenirs, de refuser les spectacles lyriques propres à alanguir le cœur et ne pas toucher aux poètes érotiques. Enfin Ovide termine pas des conseils de bonne fâme sur l’alimentation : pas d’oignon, pas de salade de roquette, beaucoup trop aphrodisiaque, et, pour finir, éviter le vin sauf en excès afin de connaître l’ivresse car, pris en petite quantité, “les vins dans notre âme ouvrent la voie à Vénus, à condition qu’on en prenne peu et que notre cœur ne soit pas engourdi dans trop de libations.”.
Dans les “Remèdes à l’amour”, Ovide prend un ton léger et badin pour traiter d’un sujet profond et douloureux, il se veut désinvolte en se promenant avec détachement et humour sur les terres brûlantes du tragique amoureux tout en maniant la métaphore et la caricature mais finalement il réussit, sans que nous nous en rendions compte, à nous faire sourire pour mieux nous émouvoir. Avec lui on a la certitude que, quand tout est catastrophique, rien n’est désespéré !

vendredi 9 novembre 2007

Strophe oulipienne

Reconnaissez-vous cette strophe codée qui termine un poème célèbre ? Je vous mets sur la voie : le poète lyrique qui en est l'auteur est né à Macon en 1790.

Chauve-souris où du fragon étouffait la flasque,
Tôlier que le pélobate alanguissait à voltiger galber,
Observateurs inapprivoisables bâchez-vous donc une amentifère
Qui s'atteste à notre amentifère et la forêt d'alanguir ?


Vous l'avez tous reconnu, il s'agit de Milly ou La terre natale d'Alphonse de Lamartine, revu et corrigé par la méthode S + 7 créée par l'Oulipo et dont Jean Lescure est l'inventeur. En voici la version originale :

Chaumière où du foyer étincelait la flamme,
Toit que le pèlerin aimait à voir fumer,
Objets inanimés, avez-vous donc une âme
Qui s'attache à notre âme et la force d'aimer ?


La méthode S + 7 consiste tout simplement à transformer un texte en substituant à chacun de ses substantifs le 7ème qui suit dans un dictionnaire donné. Mais il y a des variantes comme, par exemple, dans le cas qui nous intéresse quand la formule est en fait Sm +7, Sf + 7, A + 7, V + 7 où "chaque substantif masculin, chaque substantif féminin, chaque adjectif et chaque verbe est remplacé par le septième de son espèce dans le dictionnaire choisi." ("Variations sur S + 7" dans l'Oulipo, la littérature potentielle, Ed. Gallimard 1973.)

Ainsi Raymond Queneau a-t-il appliqué cette variante à la fable de La Fontaine La cigale et la fourmi devenue soudain La cimaise et la fraction :

La cimaise ayant chaponné tout l'éternueur
Se tuba fort dépurative
Quand la bixacée fut verdie :
Pas un seul pétrographique morio de mouffette ou de verrat.
Elle alla crocher frange
Chez la fraction sa volcanique…


Rien ne vous empêche de continuer…

dimanche 4 novembre 2007

Le Cabinet insolite du docteur Éric Bouhier


Éric Bouhier est sans aucun doute un personnage hors du commun. Médecin, notamment à Médecin sans frontière et au SAMU social, publicitaire, scénariste, nouvelliste et même acteur de cinéma à ses heures perdues (Une Vieille Maîtresse de Catherine Breillat), cet écrivain passionné et curieux de tout a dressé un inventaire impressionnant et plein d’humour de tout ce qui se rapporte à la médecine dans un petit bijou littéraire Le Cabinet des curiosités médicales (Éditions Le Passage).
Dans ce cabinet fourre-tout particulièrement original - l’auteur en profite dès le début de l’ouvrage pour donner toutes les applications dans la langue française du mot cabinet- on y apprend des tas de choses souvent drôles et aussi surprenantes les unes que les autres, depuis, par exemple, la technique médicale de l’eunuchisme (dans un bain par écrasement entre les doigts !) jusqu’à la maladie du premier homme de Cro-Magnon, l’histiocytose X ou granulome à éosinophile, diagnostiquée après analyse des os de son front, en passant par un extrait de la pièce de Jules Romains le Docteur Knock ou Le Triomphe de la médecine, la liste des personnages, médecins et non médecins, représentés sur le fameux tableau d’André Brouillet Une leçon de Charcot à la Salpétrière Hospice de la Vieillesse-Femme ou encore l’énumération de certains instruments de l’histoire de la médecine dont le marteau à percussion centrale automatique du docteur Maurice Dupont !
On y apprend aussi que le premier papyrus médical (dit papyrus de Berlin) fut rédigé sous Ramsès II (1200 ans av. JC), le plus connu étant celui d’Ebers (du nom de l’égyptologue qui l’acheta et le traduisit) rédigé entre 1500 et 1600 ans avant notre ère et que l’un des pionniers de la chirurgie de l’appendice, le docteur James Bells, mourut en 1911 à 59 ans d’appendicite !
On y trouve aussi bien la généalogie de la famille Curie que les mensurations du pénis sous toutes ses coutures ou des citations de Pierre Dac ou de Frédéric Dard, lequel justement à propos du membre viril écrivit : “Le sexe masculin est ce qu’il y a de plus léger au monde, une simple pensée le soulève.”
Eric Bouhier, que j’ai eu le privilège de rencontrer récemment, m’a avoué en soupirant que ce livre lui avait demandé un énorme travail, ce qui n’est pas peu dire quand on voit la somme d’anecdotes et de connaissances qui se bouculent dans un peu plus des 200 pages d’un livre par ailleurs particulièrement beau et agréable à lire.
C’est bien simple, ce cabinet est tellement incroyable et si insolite que la question qui m’est venue tout de suite à l’esprit en le refermant (provisoirement car je n’arrête pas d’y retourner) fut : ” Mais où donc Éric Bouhier, pour notre plus grand bonheur, est-il allé chercher tout cela ?”.

jeudi 1 novembre 2007

Le temps de Max Planck

Science et Vie, dans le numéro de ce mois, répond à la question pertinente d’un de ses lecteur varois, Monsieur Fernand Morel, : “Quelle est la durée du temps présent ?”.
Nous apprenons ainsi que, selon les théories actuelles, le plus court intervalle temporel concevable est le “temps de Planck” ou tplanck qui dure, tenez-vous bien, 5,4 x 10-44 secondes ! Ainsi en dessous de cet atome théorique de temps, il est impossible de concevoir une expérience ou un événement quel qu’il soit ou, si l’on préfère, en dessous de cet intervalle, tu meurs !
Dans ces conditions, je me demande s’il est encore possible de profiter du temps présent. Car le seul fait d’émettre le plus rapidement possible l’idée de penser au présent doit bien laisser filer une quantité non négligeable de « temps de Planck » séparant l’idée de la pensée puis la pensée de l’instant où l’on espère jouir de ce précieux et ô combien éphémère temps présent. Pour le dire autrement, il est toujours trop tard à l’arrivée si bien qu’on est sûr de se retrouver dans le passé car le présent vous a claqué entre les doigts, au moment où vous vouliez en profiter, à la vitesse de l’éclair.
Pour goûter le temps présent, il ne reste qu’une solution : penser au futur immédiat avec plusieurs « temps de Planck » d’avance. Comme ça, le temps que notre pensée aboutisse, nous avons quelques chances d’arriver à l’heure du temps présent mais seulement, cela va de soi, pour un temps (de Planck) infiniment limité et par conséquent en quantité d’autant plus négligeable.
Toute cette argumentation pour dire que, si jouir du temps présent est une utopie, la triste réalité de Max Planck, en revanche, devrait nous convaincre avec éclat que l’avenir est vraiment derrière nous !

 
compteur configurable