Le bug
Les bugs informatiques et les trous de mémoire ont en commun leur caractère aléatoire et imprévisible, l’arrêt momentané ou définitif du déroulement d’un programme préétabli et leur survenue au sein d’une structure parfaitement saine. Leur déclenchement est parfois lié à des interférences entre plusieurs éléments de cette structure. Pour un bug, cela peut être, chacun le sait, un logiciel incompatible qui perturbe un programme donné. Pour un trou de mémoire chez un artiste qui ne fait pas de l’improvisation et dont le texte est très écrit, la perturbation peut venir du trac, de l’émotion ou de la distraction qui se comportent comme de véritables inhibiteurs au point de lui faire oublier brutalement un texte pourtant parfaitement su, déjà joué et répété maintes et maintes fois. Mais souvent le bug comme le trou de mémoire demeurent parfaitement inexplicables. Ils surgissent, tel un grain de sable, sans qu’on les attende et sans qu'on les prévoie et, par-dessus le marché, au moment où on les attend le moins. Le déclenchement en est mystérieux, magique, cependant c’est de véritable magie noire qu’il s’agit pour ceux qui les éprouvent.
La similitude entre les deux pannes s’arrête là. Pour le bug survenant dans une structure au fonctionnement binaire, il n’y a ni pardon ni pitié. La machine informatique, impassible et froide, la plupart du temps ne repart pas, provoquant le courroux, l’énervement et l’impatience de ceux qui en sont la proie sans parler de l’angoisse fébrile et de la peur frénétique de connaître un incident aux conséquences à leurs yeux incalculables. On a vu des utilisateurs d’ordinateurs pris de rage ou de colères impressionnantes voire même de violence irraisonnée envers leur machine et le mobilier environnant. La résolution de la panne n’en est pas moins binaire et technique. Inutile de brutaliser l'ordinateur, point besoin non plus de le caresser dans le sens du poil ou de lui murmurer des mots gentils. Pas de sentiments.
Rien de tout cela dans le cas d’un trou de mémoire. C’est même tout le contraire. Lorsqu’un artiste en est victime, à la différence de l’ordinateur, il suscite chez les spectateurs compassion et sympathie et, chez lui-même, humour et modestie, même s’il se sait momentanément en grande difficulté. Et puis la plupart du temps, le public applaudit chaleureusement et hop ! comme par magie -une magie blanche et lumineuse cette fois- l’artiste retrouve les mots et le fil de son texte. Le trou de mémoire, à la différence du bug d'un système informatique, est un aléa poétique et tellement humain que la solution du problème se trouve tout naturellement dans cette alchimie du spectacle qui unit l’artiste et son public et dans cette communion enthousiaste des spectateurs entre eux -ne nous y trompons pas, c'est bien d'amour qu'il s'agit- et que ses conséquences en sont toujours paisibles et douces. Mais essayez d'expliquer tout ça à un ordinateur !
2 commentaires:
"bug" en anglais désigne la punaise, cet insecte mal aimé qui habite parfois les literies peu soignées. On peutimaginer que, chez le premier informaticien qui a utilisé ce terme pour qualifier une panne d'ordinateur, un manque d'hygiène évident avait favorisé la prolifération de cette bestiole jusqu'au coeur des circuits imprimés de son ordinateur.
Quant à l'artiste qui "bug" sur scène, on l'entend souvent s'exclamer en se frappant le front "punaise ! j'ai tout oublié..."
GG
en plus des différents talents artistiques que l'on reconnait à MaxD je constate qu'il faut y rajouter celui de dessinateur ...
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