Règles monastiques
Nous avons tous vu la photo du premier conseil des ministres de l’ère Sarkozy qui n’est pas sans rappeler une rentrée des classes : des grands garçons et des grandes filles bien sages qui se sont mis pour l’occasion sur leur 31, assis dans le salon Murat autour d’une table beaucoup trop grande pour eux et affichant un petit sourire courtois dans lequel on croit deviner un mélange de fierté et de petit lait.
Comme on sait maintenant que ce nouveau gouvernement ne veut pas perdre de temps pour se mettre au travail et qu’il va, sous l’impulsion du Président, mener de front et rapidement toutes les réformes et en même temps s’il vous-plaît !, on est amené à s’interroger si, après ces mines réjouies de circonstance du premier jour, les rires et les sourires ne seront pas tout simplement proscrits dans les conseils des ministres hebdomadaires du mercredi qui suivront et ne se ressembleront peut-être pas, pour cause de rapidité d’action, d’efficacité maximum et de concentration suprême.
Dans cette hypothèse et sans lui faire de procès d’intention, le Président Sarkozy, bien qu’il ait préféré la mer azur et le soleil bronzant maltais à une sage retraite dans un monastère, ferait bien de s’inspirer des règles qui s’imposaient aux moines du Haut Moyen Âge, à commencer par celle de saint Benoît de Nursie (vers 480-vers 547), fondateur du monachisme chrétien occidental qui inspira d’ailleurs Benoît XVI dans le choix de son pseudonyme papal (ce qui en dit long sur le goût du rire de ce dernier).
Il faut préciser que la répression du rire a été une constante chez tous les législateurs monastiques, de saint Basile à Paul et Étienne en passant par saint Ferréol d’Uzès. Trois siècles auparavant déjà, Clément d’Alexandrie (150-220), l’un des Pères de l’Église, avait explicitement condamné le rire, celui des bouffons, des mimes et des acteurs, mais aussi celui de la femme et de l’homme qui doivent se garder de rire, l’un comme une prostituée, l’autre comme un proxénète.
Et les règles monastiques n’étaient pas de nature à faire rigoler les occupants des monastères, ne serait-ce que par la répression disciplinaire quasi policière qui pouvait s’appliquer aux contrevenants qui avaient eu l’audace de s’esclaffer : « Celui qui aura ri sous cape dans l’assemblée, c’est-à-dire l’office, sera puni de six coups. S’il a éclaté de rire, il jeûnera, à moins de l’avoir fait d’une façon pardonnable .» (La Règle de saint Colomban). «Qu’il (le moine) ne se laisse pas dissiper par le rire des sots ou par la plaisanterie » et « Si quelqu’un parle ou rit pendant le repas, qu’il soit réprimandé et fasse pénitence. » (La Règle orientale). « Quant aux bouffonneries, aux paroles oiseuses et portant à rire, nous les condamnons à la réclusion perpétuelle, et nous ne permettons pas au disciple d’ouvrir la bouche pour de tels propos. » (La Règle du Maître).
Messieurs et Mesdames les ministres, Guignols le l’info, caricaturistes et chansonniers de tout poil, Français, Françaises, si d’aventure le Palais de l’Élysée se transforme en monastère haut moyenâgeux régi par la Règle de saint Nicolas, vous ne direz pas que je ne vous l’avais pas dit !
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