dimanche 21 janvier 2007

Rieuses, rieurs


Un comique sur scène doit évidemment mettre les rieurs de son côté. Les rieurs sont des hommes et des femmes qui ont un coefficient d’excitation humoristique très faible. Pour le dire autrement, il leur en faut très peu pour qu’ils rient et à gorge déployée s'il-vous-plaît ! Une simple grimace peut les faire s’étrangler d’hilarité au même titre qu’une poussière infime peut déclencher une suffocation dramatique chez un asthmatique. À l’opposé on trouve des personnes au coefficient élevé qui ne rient pas ou presque. Parmi ces dernières, vous avez celles qui ne vous trouvent pas drôle, celles qui sont maladivement coincées mais aussi celles qui rient intérieurement, sans la moindre manifestation extérieure de gaîté. Entre les deux, la grande majorité du public est disposée à rire pour peu que chacun de ses éléments n’ait pas l’impression d’être seul à le faire, une gêne que ne connaît jamais la première catégorie, celle des rieurs invétérés. À partir de là, il n’est pas difficile de comprendre pourquoi le même spectacle, joué dans les mêmes conditions de température et de pression, nonobstant les hypothètiques influences de la lune, fait un triomphe un soir et un bide le lendemain. Vous l’aurez compris, ce sont les rieurs qui font la différence. Il suffit que la proportion de rieurs dans le public soit trop faible et même à la limite qu’il n’y en ait pas du tout pour que la masse majoritaire des spectateurs, contaminée par les extrêmes, balance vers la minorité silencieuse qui, elle, n’est pas près de s’esclaffer. Inversement, si les rieurs sont en quantité suffisante –il suffit de trois à quatre rieurs pour un public de cinquante personnes, parfois moins-, les spectateurs touchés par la contagion se relâcheront dans une franche rigolade. À condition, toutefois, que l’artiste sur scène soit drôle. Une condition nécessaire mais hélas pas toujours suffisante.

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