L'humour au féminin
En établissant le sex-ratio des humoristes francophones sur le site internet de Wikipédia, j’ai calculé qu’il y a grosso modo une femme qui essaye de nous faire rire sur scène pour huit hommes. C’est peu mais chacun en conviendra, c’est beaucoup plus qu’il y a cinquante ans. Il y a donc un indiscutable progrès. Les causes de cette prédominance sont certainement multiples, parmi lesquelles on imagine pêle-mêle la place de la femme dans la société longtemps en retrait, objet décoratif et domestique sous contrôle et à la disposition des hommes tandis que ceux-ci à table ou dans le beau monde font des bons mots, l’utilisation agressive du rire et de l’humour par les mâles, combattants et compétiteurs nés, comme instrument de séduction, de domination ou de dévalorisation de l’adversaire ou du rival, difficulté de faire son trou dans un monde plutôt réservé aux hommes, incompatibilité apparente du caractère agressif, dominateur voire grivois de l’humour avec la féminité, rapport ambigu des femmes elles-mêmes avec leur propre image en raison d’un préjugé selon lequel les femmes drôles ne sont pas toujours -et ne doivent surtout pas être- les plus belles ni les plus féminines, sans oublier les incontournables hormones et un déterminisme à la fois inné et culturel cantonnant la femme davantage à la coopération et la conservation de la progéniture qu’à la recherche de la nouveauté, notamment dans un domaine, celui du rire et de l’humour, où, par excellence, il faut sans cesse surprendre et se renouveler (les créateurs se recruteraient, dit-on, avant tout chez les hommes !). Mais réjouissons-nous car tout cela change : les artistes de one woman show s’affirment de plus en plus comme humoristes avant d’être femmes et non l’inverse, elles sont belles et élégantes, elle ont souvent plus de classe que leurs homologues masculins, elles ont mis leur complexe d’infériorité au vestiaire et elles réservent de moins en moins leur humour à des thèmes spécifiquement féminins qui n’intéressent pas forcément les femmes et passionnent encore moins les hommes, tout en suscitant chez ces derniers une moquerie facile et de bas étage.
Mais je ne peux résister à établir un parallèle entre les femmes politiques et les femmes humoristes. Dans les deux cas, les citoyens comme le public ont tendance à les considérer davantage en fonction de leur sexe que de leur compétence ou de leur talent. Dans les deux cas, les mâles se sentant menacés dans leurs prérogatives et leur pouvoir, la condescendance et la raillerie sexiste ne sont pas loin et même bien vite ne manquent pas. Ce fut vrai pour Edith Cresson, c’est encore plus vrai pour Ségolène Royal qui brigue l’investiture suprême. Comme si, en politique comme dans l’humour, la femme ne pouvait pas être aussi l’avenir de l’homme ?
1 commentaire:
Tout ceci est bien juste, et d'ailleurs valable au quotidien, et notamment dans toutes les professions... La société ne considère pas son interlocuteur (trice) comme un professionnel avec ses compétences ( ou ses incompétences d'ailleurs...) mais en premier lieu comme un "sexe", homme ou femme !!! Mais l'évolution des mentalités est telle que parfois il devient aujourd'hui plus avantageux d'etre une femme pour décrocher un poste !!! Je ne pense pas qu'il faille s'en réjouir pour autant, car ce n'est malheureusement pas parce que l'on considère aujourd'hui la femme à la hauteur de ses compétences (d'ailleurs les statistiques sont formelles, la réussite universitaire est dominée par le sexe féminin, les femmes ont plus de capacités de travail, concentration, application, endurance, intelligence, etc...), mais c'est pour une toute autre raison qui démontre que finalement rien n'a évolué dans le bon sens, bien au contraire !!! "c'est pour mieux vous manger mon petit", disait le grand méchant loup, aujourd'hui l'homme dirait "c'est pour mieux vous harceler, ma petite..." moralement, sexuellement, bref, la société a encore des efforts à faire ...
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