mercredi 30 mai 2007

Charivari

Dans les villages du Moyen-Âge, il ne faisait pas bon faire preuve d’originalité ou d’individualité et encore moins enfreindre un tant soit peu les convenances sociales dans sa vie personnelle ou familiale. Le groupe, avec tout ce qu’il comporte de bêtement et de cruellement grégaire, avait vite fait de vous le faire payer très cher en se livrant à un charivari à votre endroit. Ce mot, qui désigne de nos jours un tapage collectif, un vacarme ou un grand bruit, était une sorte d’expédition punitive festive à laquelle prenaient part les membres de la communauté villageoise, lesquels, déguisés pour beaucoup, tapaient bruyamment sur des ustensiles de cuisine devant la maison du coupable dans une ambiance de farce et de chahut généralisé où se mêlaient rires perçants et grimaces obscènes jusqu’à ce que celui-ci reconnaisse sa faute et paye une amende. Les comportements répréhensibles étaient variés (remariage d’un veuf avec une jeune fille à une époque où les jeunes étaient rares, femmes qui battent leur mari, maris violents, pratiques sexuelles considérées comme déviantes mais aussi les avares et les étrangers) mais ils avaient en commun de risquer de mettre en péril le bon fonctionnement du groupe et sa morale coutumière. Remontant du tintamarre, le rire collectif, moqueur, sarcastique, terriblement destructeur et pour tout dire d’une cruelle méchanceté, en représentait l’arme fatale au point que les personnes ainsi humiliées et mises au ban de la société du village pouvaient en arriver à s’exiler voire même parfois à se suicider.
De nos jours le charivari a une connotation nettement moins féroce. N’empêche, on trouve régulièrement dans les faits divers des comportements grégaires qui ne valent guère plus cher que ces charivaris d’antan, à commencer par certains bizutages imbéciles et criminels où resurgit le rire archaïque agressif qui rabaisse et qui exclut sans parler des actes racistes ou homophobes commis à plusieurs parfois dans une ambiance de franche rigolade.
Dans le genre duo, il y a dix jours, dans le métro à Lyon, deux jeunes de 20 ans ont mis le feu avec un briquet aux vêtements d’un noctambule éméché qui cuvait son vin à six heures trente du matin, endormi sur son siège, le transformant en torche vivante. À ce jour, l’homme brûlé au troisième degré a survécu et est en réanimation mais il est question qu’on lui ampute la jambe. Sa vie a basculé. Aux policiers, les deux jeunes gens ont dit qu’ils avaient fait ça pour rigoler.

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