L'humour de Kurt Elling
En voilà un au moins qui ne se la pète pas ! Kurt Elling, l’une des plus grandes figures du jazz vocal actuel, swingueur hors pair considéré par le San Francisco Chronicle, comme “le chanteur jazz le plus créatif et le plus flamboyant des dix dernières années”, resplendit sur scène par sa voix baryton de velours qui, sur quatre octaves, exprime et communique une émotion inouïe, par sa technique vocale qui vous donne l’illusion d’entendre un véritable instrument (il va jusqu’à imiter le saxo de John Coltrane, la contrebasse de Charlie Haden ou des envolées aiguës de guitare électrique), par sa créativité dans sa manière de reprendre des standards de Sinatra, Fred Astaire et Dean Martin et de mettre ses propres paroles et sa propre émotion sur des improvisations de Keith Jarrett ou Dexter Gordon, de se lancer a capella enfin ou de vous offrir en français s’il vous plaît ! la chanson de Jean Sablon « Je tire ma révérence » accompagné seulement de la contrebasse.
Mais ce qui frappe tout autant chez ce presque quadragénaire cultivé natif de Chicago qui se destinait d’abord au professorat de philosophie, c’est le charisme et surtout l’humour, un humour toujours présent qui teinte littéralement le personnage dans la masse autant par sa façon de ne pas se prendre au sérieux sur scène que par ses clins d’œil à son public transporté, ses reprises parfois parodiques des grands classiques des crooners américains et sa manière de surprendre ceux qui l’écoutent. Kurt Elling ne va-t-il pas jusqu’à glisser avec malice dans la langue de Molière, entre deux improvisations elles-mêmes humoristiques de ses musiciens qui valent le déplacement à eux tous seuls (l’incroyable pianiste Laurence Hobgood, le précis et percutant contrebassiste Ron Amster et le batteur tout en nuance et en souplesse Willie Jones) des aphorismes tirés de La Fontaine, Voltaire et Rousseau dont la présence incongrue dans le spectacle vous fait mourir de rire.
Rien à voir avec Keith Jarrett, tout aussi génial mais dans un autre genre, qui ignore superbement le public et se livre, dos tourné, à d’extraordinaires improvisations au piano avec une rigueur monacale et une précision arithmétique (ce qui n’enlève rien à son génie) tout en exigeant du public une écoute religieuse qui n’admet pas la moindre toux d’un spectateur.
Bref le talent immense, l’émotion, le romantisme, la tendresse, l’élégance et puis l’humour ! La classe quoi ! Chapeau Monsieur Kurt Elling !
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