Pince-sans-rire
Pour l’humoriste, rire ou ne pas rire pendant son spectacle et surtout de son spectacle, telle est la question. Il n'y a pas de réponse évidemment ni de loi encore moins de secret.
Toutefois quand le rire d'un comique ressemble à de l’autosatisfaction voire à de la vanité ou que son rire intervient, à l’instar de la méthode Coué, pour se persuader qu'il est drôle et que le public doit rire de son bon mot, on peut se demander si le rire de ce comique-là n’est pas tout simplement contre-productif pour ne pas dire exaspérant. Enfin peut-on imaginer Pierre Desproges se taper sur le ventre après avoir asséné un de ses aphorismes noirs ? Sans compter que le contraste entre le sérieux d’un comique et l’incongruité de son humour ne peut qu’amplifier ce dernier, tout en en faisant son essence. Voici à ce propos ce qu’écrit Giovanni Giacomo Casanova : « Pour faire pleurer les gens, vous devez pleurer vous-même. Si vous voulez les faire rire, vous devez garder un visage sérieux. ».
Il n’est pas donné, hélas, à tout humoriste d’avoir un humour dont il peut se permettre de ne pas rire lui-même. Pierre Dac et Raymond Devos ne rient jamais quand ils vous emmènent dans leurs histoires irrésistibles et abracadabrantes. C’est l’absurdité qui découle de celles-ci et le fait qu’ils se placent eux-mêmes au centre de cet absurde tout en en apparaissant comme les premières victimes –ce qui ne risque pas de les faire rire- qui déclenchent l’hilarité. Idem pour Charlie Chaplin et Buster Keaton. Pour rester parmi les plus grands.