Rire(s) divin(s)
Sur le mont Olympe où ils résidaient, les dieux grecs ne s’embêtaient pas et en particulier ne se privaient pas de rire que ce soit Zeus hilare devant le spectacle de l’empoignade des Olympiens ou Athéna folle de joie quand elle déboîte les genoux d’Aphrodite devant Héra au sourire narquois après avoir frappé Arès d’un coup violent ou encore les dieux bienheureux pris d’un fou rire –le rire inextinguible dont il était question dans une note précédente- en voyant Héphaïstos, le dieu du feu, boiteux et ridicule, en train de s’empresser dans la salle à servir le nectar au cours d’un banquet, un même rire incoercible frappant les truculentes divinités lorsqu’elles voient Arès et Aphrodite pris au piège par ce même Héphaïstos, alors qu’ils se trouvent immobilisés tous deux dans une position intime plutôt gênante. Au panthéon grec, tout est prétexte à la lourde et cruelle rigolade - on ne peut pas vraiment parler d’humour - sans aucune limite de morale ou de bienséance et tout y passe : violence, sexe, difformités.
Quel contraste avec le tout puissant et austère Dieu des chrétiens qu’on imagine difficilement en train de rire ou tout simplement de sourire. Et même quand il s’est fait homme en la personne de Jésus, le Christ n’est jamais représenté hilare ni seulement souriant. Belle contradiction car Jésus, en tant que Dieu, ne pouvait pas rire alors qu’en tant qu’homme, il aurait dû rire puisque le rire est le propre de l’homme. Peut-être n’a-t-on pas voulu montrer le Christ en train de rire, même si on veut bien lui prêter le sens du l’humour, puisque le rire fut longtemps diabolisé et sévèrement condamné par le christianisme. Il était donc hors de question que Jésus rît.
Mais beaucoup d’eau du Tibre a coulé sous les ponts de Rome et l’avant-dernier successeur de Saint Pierre et chef de l’Église catholique, à la différence de ses prédécesseurs et de son successeur, ne s’est privé ni de rire ni d’humour et gageons que son extrême popularité et la sympathie qu’il dégageait n’y étaient pas étrangers. Sans doute parce qu’à l’instar des dieux grecs hauts en couleur, mais d’une manière bien différente et totalement opposée, il se montra ainsi profondément humain et terriblement proche des hommes.