Faits divers
Voici quelques histoires croustillantes glanées ça et là au gré de nos lectures quotidiennes. Elles ne sont pas à proprement parler humoristiques mais elles ne sont dénuées ni de légèreté ni de fantaisie dans leur argumentation qui contraste avec la gravité du propos. Âmes sensibles, s’abstenir !
AFFAIRE DE FAMILLE
Un individu égorge son demi-frère avec la complicité de son frère puis se réfugie avec lui chez leur neveu. Puis il fait assassiner par des hommes de main les fils de son frère et les lui donne à manger au cours d’un repas! Son fils, qui semble tenir de son paternel, sacrifie sa propre fille pour des raisons qui tiennent un peu de la superstition puis est assassiné à son tour avec sa maîtresse par son épouse et l’amant de celle-ci qui n’est autre que le propre cousin germain de l’époux trompé. Enfin il sera vengé par sa fille qui pousse son frère à tuer le couple assassin, c’est-à-dire sa propre mère s’il vous plaît ! et le cousin de son père.
ABUS DE POUVOIR
Un homme de pouvoir très influent fait enlever à l’étranger l’un de ses rivaux sous un prétexte plus ou moins fallacieux et, sans se salir les mains, le fait lâchement assassiner par ses sbires, dans l’obscurité de la nuit, aux abords déserts d’une riche propriété de la banlieue parisienne. Grâce à ses relations et surtout sa position sociale particulièrement élevée, l’individu puissant mais aux mœurs de voyou ne sera jamais inquiété par la police ni par la justice et mourra de sa belle mort dix-sept ans plus tard sous le soleil des tropiques.
SERIAL KILLER
Un bon père de famille de quatre enfants, décrit par ses voisins comme un petit homme fluet d’une parfaite correction, d’une amabilité et d’une courtoisie légendaires et à la langue châtiée, toujours vêtu de façon impeccable et payant avec six mois d’avance ses loyers, bref ce bon père de famille, présentant bien et parfait sous tout rapport, étrangle en l’espace de moins de quatre ans dix femmes et le jeune garçon de l’une des victimes. Finalement arrêté puis jugé, l’odieux individu n’avouera jamais au cours d’un procès retentissant qui fait la une des médias et passionne les foules. Il est toutefois reconnu coupable et écope de la peine maximum.
Ces trois faits divers font froid dans le dos et ne sont pas de nature à nous procurer un doux sentiment de sécurité quand nous flânons dans la rue ou même - et surtout - quand nous côtoyons paisiblement à la maison les membres de notre propre famille. Et pourtant !
Le premier fait divers, puisé directement dans la mythologie grecque, n’est autre que l’effroyable histoire des Atrides, une famille plutôt remarquable puisque marquée par des adultères, des parricides et des incestes en tout genre, rien que ça ! On aura naturellement reconnu, parmi les protagonistes de la sordide affaire, Atrée, Agamemnon, Clytemnestre et bien sûr le frère et la sœur Oreste et Electre, pour ne citer que ceux-ci, la vengeance de cette dernière étant au centre des œuvres d’Eschyle, puis de Sophocle et d’Euripide ainsi que plus récemment du drame fameux de Jean Giraudoux, sans oublier la création contemporaine d’Ariane Mnouchkine “Les Atrides” à la Cartoucherie de Vincennes. Autant dire que les Grecs étaient fortement imbibés de ces fictions violentes et barbares autant que nous-mêmes, cinéphiles ou téléspectateurs parfois passifs, soumis à la vision quasi quotidienne d’hémoglobine sur écran, de reality-shows ou de séries rivalisant les unes les autres de cynisme et de cruauté. Et encore n’avons-nous pas évoqué l’histoire d’Anchise, chef troyen, qui pour avoir révélé qu’il avait eu Enée d’Aphrodite, fut rendu paralytique et aveugle par Zeus jusqu’à la fin de ses jours ou bien Nessos, le centaure violeur de Déjanire assassiné par Héraclès, le mari bafoué - lui-même déjà meurtrier de sa précédente épouse Mégara et de ses enfants - qui le paiera ensuite très cher en revêtant la tunique ensanglantée du centaure. Tout un programme !
Le deuxième fait divers concerne, nous l’aurons tous reconnu, un monument de l’histoire de France, le Français certainement le plus prestigieux et le plus admiré du monde entier, le grand, l’unique, l’inimitable, le futur empereur Napoléon 1er, né Bonaparte à Ajaccio en 1769, qui, prenant prétexte du complot royaliste du chef chouan Cadoudal, fit exécuter à la sauvette le 21 mars 1804, dans les fossés du château de Vincennes, le duc d’Enghien, Louis Antoine de Bourbon Condé pour être précis, espérant ainsi briser toute velléité de restauration des Bourbons. Inutile de préciser que cet acte criminel odieux et injuste n’attira pas au futur édificateur du Grand Empire que des amis, à commencer par le vicomte François René de Chateaubriand qui rompit définitivement avec Bonaparte à cause de l’inqualifiable assassinat du dernier héritier des Condé.
Quant au tueur en série de notre troisième fait divers, il s’agit évidemment d’Henri-Désiré Landru né en 1869, condamné à la peine capitale et guillotiné en 1922, qui brûlait le corps de ses victimes - des veuves recrutées par petites annonces qu’il escroquait après leur avoir fait miroiter le mariage - dans le poêle de sa villa, ce qui permit d’ailleurs de le confondre par la découverte des restes humains calcinés dans l’appareil à combustible. Nous aurions pu tout aussi bien évoquer l’un de mes confrères, le bien brave docteur Marcel Petiot qui termina sa “carrière” en 1946 comme le précédent. Pendant l’Occupation, ce médecin dévoué et généreux, qui soignait gratuitement les indigents, accueillait dans son cabinet de consultation, rue Le Sueur à Paris, de braves familles persécutées qui, croyant voir en lui l’homme providentiel susceptible de leur permettre de fuir la France occupée, se retrouvaient dépouillées de leurs biens, avant de connaître dans la cave de la villa du “gentil docteur patriote”, en guise de liberté et comme ultime destination, les becs de gaz et la chaudière ardente.
Alors violence et barbarie, phénomènes sociologiques marquants du monde moderne à l’aube du 21ème siècle ou misérables dénominateurs communs et tristement universels de la condition humaine ?