samedi 28 avril 2007

Faits divers

Voici quelques histoires croustillantes glanées ça et là au gré de nos lectures quotidiennes. Elles ne sont pas à proprement parler humoristiques mais elles ne sont dénuées ni de légèreté ni de fantaisie dans leur argumentation qui contraste avec la gravité du propos. Âmes sensibles, s’abstenir !

AFFAIRE DE FAMILLE
Un individu égorge son demi-frère avec la complicité de son frère puis se réfugie avec lui chez leur neveu. Puis il fait assassiner par des hommes de main les fils de son frère et les lui donne à manger au cours d’un repas! Son fils, qui semble tenir de son paternel, sacrifie sa propre fille pour des raisons qui tiennent un peu de la superstition puis est assassiné à son tour avec sa maîtresse par son épouse et l’amant de celle-ci qui n’est autre que le propre cousin germain de l’époux trompé. Enfin il sera vengé par sa fille qui pousse son frère à tuer le couple assassin, c’est-à-dire sa propre mère s’il vous plaît ! et le cousin de son père.

ABUS DE POUVOIR
Un homme de pouvoir très influent fait enlever à l’étranger l’un de ses rivaux sous un prétexte plus ou moins fallacieux et, sans se salir les mains, le fait lâchement assassiner par ses sbires, dans l’obscurité de la nuit, aux abords déserts d’une riche propriété de la banlieue parisienne. Grâce à ses relations et surtout sa position sociale particulièrement élevée, l’individu puissant mais aux mœurs de voyou ne sera jamais inquiété par la police ni par la justice et mourra de sa belle mort dix-sept ans plus tard sous le soleil des tropiques.

SERIAL KILLER
Un bon père de famille de quatre enfants, décrit par ses voisins comme un petit homme fluet d’une parfaite correction, d’une amabilité et d’une courtoisie légendaires et à la langue châtiée, toujours vêtu de façon impeccable et payant avec six mois d’avance ses loyers, bref ce bon père de famille, présentant bien et parfait sous tout rapport, étrangle en l’espace de moins de quatre ans dix femmes et le jeune garçon de l’une des victimes. Finalement arrêté puis jugé, l’odieux individu n’avouera jamais au cours d’un procès retentissant qui fait la une des médias et passionne les foules. Il est toutefois reconnu coupable et écope de la peine maximum.

Ces trois faits divers font froid dans le dos et ne sont pas de nature à nous procurer un doux sentiment de sécurité quand nous flânons dans la rue ou même - et surtout - quand nous côtoyons paisiblement à la maison les membres de notre propre famille. Et pourtant !
Le premier fait divers, puisé directement dans la mythologie grecque, n’est autre que l’effroyable histoire des Atrides, une famille plutôt remarquable puisque marquée par des adultères, des parricides et des incestes en tout genre, rien que ça ! On aura naturellement reconnu, parmi les protagonistes de la sordide affaire, Atrée, Agamemnon, Clytemnestre et bien sûr le frère et la sœur Oreste et Electre, pour ne citer que ceux-ci, la vengeance de cette dernière étant au centre des œuvres d’Eschyle, puis de Sophocle et d’Euripide ainsi que plus récemment du drame fameux de Jean Giraudoux, sans oublier la création contemporaine d’Ariane Mnouchkine “Les Atrides” à la Cartoucherie de Vincennes. Autant dire que les Grecs étaient fortement imbibés de ces fictions violentes et barbares autant que nous-mêmes, cinéphiles ou téléspectateurs parfois passifs, soumis à la vision quasi quotidienne d’hémoglobine sur écran, de reality-shows ou de séries rivalisant les unes les autres de cynisme et de cruauté. Et encore n’avons-nous pas évoqué l’histoire d’Anchise, chef troyen, qui pour avoir révélé qu’il avait eu Enée d’Aphrodite, fut rendu paralytique et aveugle par Zeus jusqu’à la fin de ses jours ou bien Nessos, le centaure violeur de Déjanire assassiné par Héraclès, le mari bafoué - lui-même déjà meurtrier de sa précédente épouse Mégara et de ses enfants - qui le paiera ensuite très cher en revêtant la tunique ensanglantée du centaure. Tout un programme !
Le deuxième fait divers concerne, nous l’aurons tous reconnu, un monument de l’histoire de France, le Français certainement le plus prestigieux et le plus admiré du monde entier, le grand, l’unique, l’inimitable, le futur empereur Napoléon 1er, né Bonaparte à Ajaccio en 1769, qui, prenant prétexte du complot royaliste du chef chouan Cadoudal, fit exécuter à la sauvette le 21 mars 1804, dans les fossés du château de Vincennes, le duc d’Enghien, Louis Antoine de Bourbon Condé pour être précis, espérant ainsi briser toute velléité de restauration des Bourbons. Inutile de préciser que cet acte criminel odieux et injuste n’attira pas au futur édificateur du Grand Empire que des amis, à commencer par le vicomte François René de Chateaubriand qui rompit définitivement avec Bonaparte à cause de l’inqualifiable assassinat du dernier héritier des Condé.
Quant au tueur en série de notre troisième fait divers, il s’agit évidemment d’Henri-Désiré Landru né en 1869, condamné à la peine capitale et guillotiné en 1922, qui brûlait le corps de ses victimes - des veuves recrutées par petites annonces qu’il escroquait après leur avoir fait miroiter le mariage - dans le poêle de sa villa, ce qui permit d’ailleurs de le confondre par la découverte des restes humains calcinés dans l’appareil à combustible. Nous aurions pu tout aussi bien évoquer l’un de mes confrères, le bien brave docteur Marcel Petiot qui termina sa “carrière” en 1946 comme le précédent. Pendant l’Occupation, ce médecin dévoué et généreux, qui soignait gratuitement les indigents, accueillait dans son cabinet de consultation, rue Le Sueur à Paris, de braves familles persécutées qui, croyant voir en lui l’homme providentiel susceptible de leur permettre de fuir la France occupée, se retrouvaient dépouillées de leurs biens, avant de connaître dans la cave de la villa du “gentil docteur patriote”, en guise de liberté et comme ultime destination, les becs de gaz et la chaudière ardente.
Alors violence et barbarie, phénomènes sociologiques marquants du monde moderne à l’aube du 21ème siècle ou misérables dénominateurs communs et tristement universels de la condition humaine ?

mercredi 25 avril 2007

Petite musique de nuit



Voici deux extraits de partitions musicales qui frappent par leur étrange ressemblance, leurs mélodies se jouant essentiellement l’une et l’autre entre le si et le si bémol. Même tempo (plutôt piano mà non troppo quand même), même rythme à deux tours, même trémolos d’espoir dans la voix, même musique de litanies, de prières et de vœux pieux proche de celle des prêches de Benoît XVI.

Quant aux paroles, pour la première nous avons : ” Mes chers compatriotes, je ne souhaite qu’une chose rassembler le peuple français autour d’un nouveau rêve français…” et pour la deuxième : “À toutes celles et ceux qui veulent que la France fasse triompher la république du respect…”.

Enfin les interprètes de cette petite musique de nuit électorale du 22 avril que j’ai transcrite aussi fidèlement que possible (vous pouvez vérifier, je ne dois pas être loin de la vérité) à partir de la mélodie de leurs discours : pour la première Nicolas Sarkozy avec 31,11 % des voix, pour la deuxième Ségolène Royal avec 25,83 %.

Comme vous pouvez le constater, musicalement parlant, j’entends, puisqu’il faut toucher le chœur du centre et séduire les citoyens mélomanes, c’est blanc bonnet et bonnet blanc. Si, si, je vous l’assure, si, si, si et si bémol.

Mais ces musiques n’étaient que les prologues. À partir de maintenant ont commencé les grandes symphonies du deuxième tour que nos deux virtuoses vont jouer, cette fois, changement de ton oblige, en si Bayrou.

lundi 23 avril 2007

Perles de consultation

Voici quelques anecdotes amusantes récoltées au cours de mes consultations :

• Quand le père d’un de mes petits patients me demande de lui enlever ses aubergines, je suis à deux doigts de lui dire que, dans l’hypothèse où j’opère son fils, je lui donnerais volontiers ses amygdales pour la ratatouille.

• Un jour une jolie femme me consulte en urgence et me dit que le trouble aigu qui l’amène l’a prise brusquement alors qu’elle était dans son club… au pénis !

• Un patient, terrorisé à l’idée que je lui trouve une longue maladie, me demande : ” Alors docteur, je n’ai pas le cancer ?”. Je lui réponds : “Non, pas encore.”

• À un Allemand d’un certain âge venu me consulter pour son audition, je demande s’il a beaucoup tiré pendant la guerre. Comme il ne parle pas très bien le français, je lui pose la question en allemand, ce qui donne, à la grande surprise de mon patient : “Haben Sie viel geschiessen ?”. C’est que je me suis trompé de participe passé et de verbe ! J’aurais dû dire : “Haben Sie viel geschossen ?”, geschiessen étant le participe passé de scheissen qui signifie non pas tirer mais…chier ! Le plus drôle c'est que mon patient a répondu tout naturellement "Ja" à ma question comme s'il l'avait trouvée pertinente par rapport à l'état de ses oreilles.

jeudi 19 avril 2007

Propos de campagne

Voici quelques phrases glanées ça et là à la sortie de la bouche de certains candidats à l’élection présidentielle et de leurs amis :

— François Bayrou a qualifié la démarche de Ségolène Royal de « tango argentin », en ajoutant que très souvent dans cette campagne elle fait un pas en avant, deux pas en arrière.
Commentaire : sauf que le tango argentin se danse en couple et que c’est généralement l’homme qui guide les pas. Alors, afin qu’elle ne fasse pas tapisserie le 6 mai, qui veut faire danser Ségolène Royal et lui faire exécuter des ochos, des ganchos, des boleos, des colgadas, des sauts acrobatiques et autres figures? François Bayrou, Laurent Fabius, Lionel Jospin, Dominique Strauss-Kahn ou tout simplement François Hollande ?

— Mme Royal a estimé que « si la France est bien notre patrie, l’Europe est notre nouvelle frontière »
Commentaire : une frontière étant par définition une limite, la phrase est plutôt « limite » et même incompréhensible à moins qu’elle soit prononcée par Le Pen pour lequel l’Europe dont pourtant la France fait partie, pour le coup, se situe radicalement à l’étranger.

— « Ces hommes non seulement ils ne sont pas morts mais en plus ils ont survécu » dixit non pas le Maréchal de la Palice mais Jean-Marie Le Pen à l’émission J’ai une question à vous poser à propos des combattants africains dans l’armée française pendant la deuxième guerre mondiale.
Commentaire : comme quoi Jean-Marie Le Pen dit aussi des choses vraies et en plus vérifiables.

— Philippe de Villiers : "Ségolène Royal, elle a craché sa Valda si l’on peut dire… elle a l’allure de Jeanne d’Arc et le cerveau de Bécassine."
Commentaire : ça vole haut, presque aussi haut que la Valda en question !

— Pour rester dans les bonbons, Dominique Bussereau, ministre UMP de l’Agriculture, a déclaré: « François Bayrou fanfaronne un peu, il doit faire attention à l’effet malabar en politique ».
Commentaire : que comprendre ? Un malabar, c’est un homme très fort, un costaud, une armoire à glace (Petit Robert). Ce n’est pas que de la guimauve ou du chewing-gum qui gonfle puis se dégonfle et peut même faire des bulles.

— Quant à l’un des admirateurs pourtant socialiste du candidat de l’UMP Éric Besson, mouton noir de Ségolène Royal, on est en droit de se demander si c’est pour lui que Nicolas Sarkozy craint un égorgement dans la baignoire ?

— Dominique de Villepin, Premier ministre : « Si on veut aligner une famille politique réunie derrière un candidat sous forme de petits pois ou de sardines dans une boîte, vous ne gagnez pas comme ça. »
Commentaire : mais sous la forme de dindons (farcis) ça doit certainement marcher, non ?

— Quant à Patrick Devedjian, conseiller de Nicolas Sarkozy à l’UMP, il a déclaré : « Je pense que le successeur préféré de Jacques Chirac, c’était Jacques Chirac. »
Commentaire : Élémentaire, mon cher Watson !

Si vous avez entendu d’autres phrases mémorables, vertes et pas mûres, faites-nous en profiter !

dimanche 15 avril 2007

Gymnopédiste ou gnossien

Imaginez les partitions d’un grand compositeur de la fin du 19ème siècle-début du 20ème comportant, à la place des annotations classiques en italien type adagio, piano ma non troppo ou andante, des phrases telles que « vivache » (pour vivace), « sur la langue », « postulez en vous-même », « du bout de la pensée », « munissez-vous de clairvoyance », « de manière à obtenir un creux » ou encore « enfouissez le son ». Considéré par Ravel et Debussy comme un précurseur, ce musicien illustre, que vous avez sans doute reconnu et dont vous diriez à juste titre qu’il ne manquait pas de fantaisie, n’est autre qu’Érik Satie. De son vrai nom Alfred Éric Leslie Satie, né à Honfleur le 17 mai 1866 et mort à Paris le 1er juillet 1925, ce compositeur et pianiste français était l’humour en personne. Pour s’en convaincre et sans même parler de sa vie, de sa personnalité et de sa musique proprement dite, il suffit d’énumérer différents titres de ses œuvres, Sonatine bureaucratique (1917), Pièces froides - trois airs à fuir (1897), Pièces froides - trois airs de travers (1910), Embryons desséchés (1913), Trois morceaux en forme de poire (1903), 4 Préludes flasques (pour un chien) (1912), Musique d’ameublement que l’on doit jouer ” pour qu’on ne l’écoute pas ” (1920) et lire certaines de ses citations dont on attribuerait volontiers la paternité à Alphonse Allais ou Pierre Dac. Exemples :

Il ne suffit pas de refuser la Légion d’Honneur ; encore faut-il ne pas la mériter !

Si vous voulez vivre longtemps, vivez vieux.

Si je ris, c’est sans le faire exprès

Au régiment, si par hasard vous êtes tambour, même sur l’ordre du colonel, ne vous avisez jamais de battre la générale

Difficile à croire que ce compositeur de génie avant-gardiste, excentrique et provocant, à la fois sociable et solitaire, n’arriva pas à vivre de son art malgré sa célébrité et, à la grande surprise de ses proches auxquels il cacha sa pauvreté, mourut dans le dénuement.

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Illustration : extrait de la partition Gnossienne n° 3

vendredi 13 avril 2007

Comment ça va ?

Umberto Eco publia en 1992 Il secondo diario minimo (en français, Comment voyager avec un saumon), un petit livre plein de pertinence et d'humour fait de textes courts, parodiques et humoristiques, écrits, comme il le dit dans sa préface, « sous l’égide du divertissement » et « sous le coup de l’indignation », certains de ces textes publiés sous la rubrique Modes d’emploi devant être lus, précise-t-il, comme « une contribution à l’analyse de la bêtise ». Dans cette rubrique, l’auteur du roman Le nom de la rose nous livre un texte intitulé Comment répondre à la question « Comment ça va » où il imagine les différentes réponses qu’auraient faites des personnages célèbres à cette question commune de tous les jours. Exemples choisis de ces réponses parmi d’autres : Icare : « Je me suis planté . » Œdipe : « La question est complexe .» Ulysse « Je reviens de suite. » Démosthène : « Dif-ff-fi-ccile à ddire. » Charlemagne : « Pour être franc, bien. » Laurent de Médicis : « Magnifiquement . » Galilée : « Ça tourne rond. » Robespierre : « Vous perdez la tête . » Marie Curie : « Je suis radieuse. » Camus : « Question absurde » Edgar Poe : « Extraordinairement. » Einstein : « Relativement bien. » etc.

Alors jouons un peu et imaginons les réponses que donneraient les candidats à l’élection présidentielle à cette même question. Voici les miennes :
Nicolas Sarkozy : « Comme un homme de la France qui se lève tôt . »
Ségolène Royal : « Ça dépend des sondages et des éléphants qui, les uns comme les autres, trompent énormément. ». »
Jean-Marie Le Pen : « Mais c’est un détail. »
François Bayrou : « Droite gauche, droite gauche, très bien merci, droite gauche, droite gauche… »
Marie-Georges Buffet : « La question ne se pose pas en ces termes. »
Olivier Besancenot : « Ma santé vaut plus que leurs profits. »
Arlette Laguiller : « Question bourgeoise. »
Dominique Voynet : « Vertement bien. »
Dominique de Villiers : « Souverainement. »
José Bové : « La Faucheuse n’est pas près de me rattraper. ».
Frédéric Nihous : « J’ai la santé de la France profonde. »
Gérard Schivardi : « Comme un maire en son village. »

Et vous, quelles sont les vôtres ?

mercredi 11 avril 2007

Vie conjugale (4)

Comme si elles n’avaient rien appris, la première chose que font les personnes le lendemain de leur divorce, c’est de se remarier !

Quand un homme déclare sans vergogne qu’il a fait un enfant à sa femme, j’ai toujours envie de lui demander comment s’est passé son accouchement.

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Aphorismes personnels in Aphorismes de comptoir, Ed. de l’Adret, 1999

mardi 10 avril 2007

Les mystérieux méandres du rire

« Les hommes qui cherchent des causes métaphysiques au rire ne sont pas gais. ». On peut toujours discuter du bien-fondé de cette affirmation de Voltaire mais si elle est vraie, on peut tout de suite en déduire que Platon, Aristote, Cicéron, Quintilien, Descartes, Spinoza, Hobbes, Kant, Schopenhauer, Spencer, Bain et Bergson étaient de sinistres individus. Quant à Voltaire justement, il ne se prend pas métaphysiquement la tête pour donner une explication du rire mais il en donne une toute simple quand même et pleine de bons sens : le rire est relié à la joie, un point c’est tout. « L’homme, écrit-il, est le seul animal qui pleure et qui rit. Comme nous ne pleurons que de ce qui nous afflige, nous ne rions que de ce qui nous égaye. Les raisonneurs ont prétendu que ce rire naît de l’orgueil, qu’on se croit supérieur à celui dont on rit… Quiconque rit éprouve une joie gaie, dans ce moment-là, sans avoir un autre sentiment. »
Mais que penserait le père de Candide, de nos jours, à propos des chercheurs scientifiques pointus qui décortiquent et expliquent tous nos sentiments et le moindre de nos comportements, à commencer par le rire, par l’action complexe de mystérieux neurotransmetteurs dans le cerveau, imagerie à résonance magnétique aidant ? Peut-être dirait-il qu’ils ne sont pas gais non plus. N’empêche que le jour où tous les rouages neurophysiologiques du rire et de l’humour n’auront plus de secrets pour nous, je me demande si on aura encore envie de s’esclaffer ?

samedi 7 avril 2007

Rire fou ou fou rire de Démocrite


Ni l’un ni l’autre. Démocrite (460-370 avant J.C.), philosophe grec né à Abdère (Thrace), descendait tous les jours jusqu’au port et, en regardant l’activité des hommes en train de décharger des marchandises et se livrer frénétiquement à toutes sortes d’activités, était immanquablement pris d’un rire incontinent et incoercible. En fait tout le faisait rire, les choses graves comme les choses légères, l’exercice d’un métier, la promotion sociale, un discours donné devant la foule, le mariage d’Untel ou les mésaventures d’un autre etc. Le poète latin Juvénal dira de lui : « « Toute rencontre avec les hommes fournissait à Démocrite matière à rire. ». Devant cette hilarité apparemment inappropriée à propos d’événement objectivement non risibles, les habitants d’Abdère, inquiets pour sa santé, finirent par faire venir Hippocrate afin de soigner le philosophe à leurs yeux devenu fou. Le médecin, venu spécialement de Cos où il soignait ses malades, trouva Démocrite à l’ombre d’un platane dans le jardin de sa maison occupé justement à écrire un traité sur la folie et eut un long entretien avec lui au cours duquel le philosophe expliqua : « Tu attribues deux causes à mon rire, les biens et les maux ; mais je ris d’un unique objet, l’homme plein de déraison, vide d’oeuvres droites, puéril en tous ses projets, souffrant sans nul bénéfice des épreuves sans fin, poussé par ses désirs immodérés à s’aventurer jusqu’aux limites de la terre… ». Après quoi Hippocrate décréta Démocrite comme l’homme le plus sain d’esprit et le plus sensé qui soit. On oppose toujours le rire de Démocrite aux lamentations d’Héraclite (v. 550 avant J.C.- v. 480 avant J.C.), un autre philosophe grec présocratique, misanthrope, catastrophiste et pleurant sur tout, qui éprouvait de la compassion et de la pitié pour la condition humaine et montrait un visage continuellement triste avec les yeux toujours pleins de larmes. Mais n’y a-t-il pas en chacun d’entre nous, coexistant avec plus ou moins de bonheur, les voix encore audibles de ces deux philosophes qui nous tiraillent entre le désir irrésistible de rire de la vanité de l’existence ou de notre misérable condition et la tentation non moins irrépressible d’en pleurer ?

jeudi 5 avril 2007

Histoire vraie (2)

Atteint d’un cancer de la gorge dépassé, Roger L., 59 ans, vétérinaire, a accepté de se faire opérer une nouvelle fois –qui sera la dernière- sans ignorer, car il y a des signes qui ne trompent pas, que cette intervention chirurgicale palliative présentait davantage un intérêt médical pour ses médecins qu’un espoir de guérison, fût-il minime, pour lui-même. À sa fille qui lui demande : « Mais Papa, pourquoi t’es-tu fait opérer pour rien ? », alors que cette ultime opération a considérablement aggravé ses souffrances physiques et morales, il répond, meurtri et squelettique, avec un sourire malicieux et dans la plus grande sérénité : « C’est pour faire progresser la science ! ». Roger L. décèdera quelques jours plus tard. Mais en prononçant cette magnifique phrase pleine d’humour et de détachement à quelques jours du trépas, Roger L. , sans même l’avoir cherché, avait déjà gagné le ticket de première classe pour le paradis.

mardi 3 avril 2007

Solution du rébus

Bravo à Agnès B. dont la solution est tout à fait valable bien que la mienne soit plus simple ainsi qu'à GG et Polsud qui n'en étaient pas loin.

Voici la solution du rébus : souligner un passage surligné surcharge souvent (sous ligne : é, 1 pas sage, sur ligne : é, sur charge, sous vent). Fastoche, non ?

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dimanche 1 avril 2007

La fantaisie de Dali

Ne cherchez pas de l’humour dans les écrits de Salvador Dali, vous n'y trouverez que sa géniale fantaisie ! J’ai sous la main un livre de citations de l’admirateur inconditionnel de la gare de Perpignan, Dali, Pensées et anecdotes, j’ai beau chercher, je ne trouve pas de phrases percutantes, spirituelles et franchement humoristiques, en tout cas pas à la hauteur de la fantaisie dalinienne et pourtant elles sont souvent savoureuses. Il y manque sans doute le détachement, la profondeur et surtout la modestie, toutes inclinations dont Dali était, en apparence peut-être seulement, intrinsèquement dépourvu et qui étaient des dispositions bien trop raisonnables pour lui. Finalement il est presque plus facile de trouver des aphorismes drôles chez le sinistre Cioran (voir note du 25 février) qui, lui, manquait singulièrement de fantaisie dans ses textes austères, c’est un comble ! L’excentricité, la mégalomanie et le culte permanent de sa propre personne étant omniprésents, le Maître de Port-Lligat devient rapidement lassant quand il utilise des mots plutôt que ses pinceaux même s’il choisit le deuxième degré de l’humour pour exprimer son narcissisme démesuré et nous faire croire qu’il ne se prend pas au sérieux (ce qui est peut-être vrai). Mais le résultat est là : le grand Dali, quand il écrit, n’est pas aussi drôle que je l’attendais. Rien à voir avec le Dali qui arrive à la Sorbonne pour une conférence dans une Rolls Royce pleine de choux-fleurs et qui ne nous lasse jamais, nous surprend souvent et nous transporte toujours quand il peint, dessine et crée ses collages invraisemblables : les toiles de celui qui voulait faire de sa vie une œuvre d’art et qui se considérait comme un génie, sont lumineuses d’esthétique, d’extravagance, de fantasmes mous comme ses montres visqueuses et de fantaisie. À moins que ce ne soit de l’humour. Mais au fait, humour et fantaisie, quelle est la différence ?

 
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