vendredi 30 mars 2007

Aphorismes

Lorsque la messe était dite en latin, les églises étaient bondées, la curiosité des fidèles étant sans cesse aiguisée pour déchiffrer un peu plus, le dimanche suivant, le charabia qui faisait l’essence de leurs prières.

À l’époque où David Copperfield fait disparaître la statue de la liberté et s’envole tout naturellement en l’air avec Claudia Schiffer, la pêche miraculeuse ou la multiplication des pains représentent, au mieux, un petit tour d’amateur.

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Aphorismes personnels in Aphorismes de Comptoir, Ed. de l'Adret, 1999

mercredi 28 mars 2007

Rébus


Pour les amateurs ou les masochistes, voici un rébus de mon invention pour faire agréablement travailler les méninges ou se torturer douloureusement l'esprit (barrez la mention inutile).

Il s'agit de trouver une phrase d'appréciation sur la façon de mettre en valeur ce que l'on couche.

Solution dans un prochain post.


lundi 26 mars 2007

L'humour noir d'Épictète ?

Né en Phrygie (Asie Mineure) vers l’an 50 de notre ère, Épictète fut d’abord esclave à Rome avant d’être affranchi et faire profession de philosophe. Boiteux et peu gâté par la nature, il vécut dans le plus grand dénuement sans femme et sans famille. Banni de Rome et d’Italie comme tous les philosophes par Domitien en 89, il se retira à Nicopolis, en Epire, où les jeunes Romains, séduits par son éloquence pleine de simplicité, accouraient en masse pour l’écouter. Comme Socrate, il n’écrivait pas et c’est son disciple Flavius Arrien de Nicodémie qui rédigea des notes en écoutant son maître. Épictète était un Stoïcien mais sa philosophie, loin d’être théorique et spéculative, était avant tout une philosophie appliquée et il avait toujours à cœur d’en vérifier la valeur morale et l’efficacité au quotidien.
En bon futur adepte du stoïcisme, Épictète, esclave, ne se laissa-t-il pas casser la jambe par Epaphrodite, son maître brutal et cruel, qui utilisait à cet effet un instrument de torture ? Impassible devant la douleur, Épictète, une fois que sa jambe fut brisée, dit calmement à son maître : « Ne t’avais-je pas prévenu que tu allais la casser ? ». C’est ainsi qu’il devint boiteux.
Quant au plaisir de rire selon Épictète, mieux vaut ne pas en parler. Voici ce qu’il en dit dans le recueil que publia Flavius Arrien à partir des entretiens qu’il eut avec son maître, recueil intitulé Le Manuel d’Épictète :

Ne ris pas beaucoup, ni de beaucoup de choses, ni sans retenue. (XXXII, 4)

Evite aussi de chercher à faire rire. C’est une façon de glisser dans la vulgarité, et à la fois un suffisant moyen de relâcher le respect que tes voisins ont pour toi. (XXXII, 15)

Car, contrairement aux apparences, la phrase du jeune esclave stoïque à l’adresse de son maître Epaphrodite à propos de sa jambe cassée était tout sauf une répartie d'humour noir.

vendredi 23 mars 2007

L’humour “anthume” d’Alphonse Allais

Alphonse Allais, qui naquit le 20 octobre 1854 à Honfleur, le même jour qu’Arthur Rimbaud, ne parla pas avant l’âge de trois ans et ses parents crurent qu’il était muet. Un comble pour ce roi des bons mots, des calembours, des aphorismes et cet humoriste hors du commun qui maniait la langue française avec simpicité et un talent époustouflant et qui n’écrivit pas moins de 1680 contes, des pièces en vers, des citations, des combles, des poèmes holorimes et des écrits humoristiques en tout genre qu’il finit pas réunir en trois volumes dans ses Œuvres anthumes, pour reprendre le néologisme de son invention. Le 27 octobre 1905, alors qu’il était atteint d’une phlébite et que son médecin lui avait ordonné le repos absolu et le régime sec, il se garda bien de respecter la consigne du docteur et se rendit au bistrot où il annonça à ses amis : « Demain, je serai mort », en ajoutant : « Vous trouvez ça drôle, mais moi je ne ris pas. Demain, je serai mort. » Le lendemain matin, Alphonse Allais fut foudroyé par une embolie pulmonaire. Il avait cinquante et un ans. Ce fut le dernier trait d’humour anthume de ce prince des mots d’esprit et non moins philosophe lucide dont l’humour pionnier demeure indémodable et pour lequel on aurait pu emprunter cette épitaphe trouvée sur une tombe anonyme : « Je vous l’avais bien dit que j’étais malade ! ».
Et comment ne pas évoquer un autre fameux trait d’humour anthume qu’aurait pu écrire Alphonse Allais. Un condamné à mort est conduit un lundi devant l’échafaud et s’exclame: « Voilà une semaine qui commence bien ! ». Cette anecdote irrésistible, inventée pour illustrer la nécessité de l’humour même et surtout quand la situation est dramatiquement désespérée, est d’un personnage illustre qui ne passe pourtant pas pour un rigolo : Sigmund Freud !

mercredi 21 mars 2007

Veni vidi vici


En 47 av. JC, après qu’il eut vaincu Pharnace II, roi du Bosphore Cimmérien, Jules César écrivit au Sénat la phrase mémorable : Veni vidi vici (je suis venu j’ai vu j’ai vaincu). La phrase fut probablement écrite ainsi par le premier imperator, sans virgules entre les deux premiers verbes et les deux derniers ni point à la fin, puisque la ponctuation d’alors, qui comportait un équivalent de la virgule et le point final, était peu appliquée à l’époque des Romains. C’est précisément sur l’impact de cette phrase selon la manière de la ponctuer que portait le post du 6 avril 2005 du blog des correcteurs du Monde.fr animé avec humour par Martine Rousseau et Olivier Houdart, Langue Sauce Piquante (LSP), un blog dont j’ai été, pendant deux ans, l’un des visiteurs assidus avec des commentaires quasiment quotidiens. Voici justement le commentaire que je fis à propos de ce post. Peut-être vous amusera-t-il autant que cela m’a amusé de l’écrire ? Je le transcris directement depuis les archives de LSP par un copier-coller :

Je suis venu ; j’ai vu ; j’ai vaincu.

Impression d’une énumération laborieuse et monotone d’actions. Ces points et virgules donnent une impression de lourdeur et d’absence d’enthousiasme. César est péniblement venu (en se traînant ?). Il s’est résigné à voir ce qu’il y avait à voir (faute de voir autre chose de plus intéressant). Finalement il a fini par vaincre mais bien malgré lui et avec quelles difficultés !

Je suis venu… j’ai vu…j’ai vaincu.

Alors là, c’est plein de mystères. César est venu par surprise et sur la pointe des pieds, avec un tour dans sa poche (de sa toge) je vous dis pas! Il a vu des choses incroyables dont il ne vous dira rien, préférant vous laisser les imaginer. Nous sommes en haleine. Que nous cache-t-il avec ses points de suspension ? Et bien voyez le résultat imparable : il a vaincu.

Je suis venu ! j’ai vu ! j’ai vaincu !

Ha ! Ha ! elle est bien bonne ! César a eu le culot de venir. Oui il a osé et n’en revient pas de sa bonne idée. En plus vous vous rendez compte, il a vu des tas de choses, ça vous épate presque autant que lui, non ? Eh bien le résultat ne s’est pas fait attendre: il a vaincu. Et avec quelle facilité s’il vous-plaît ! Tout cela n’était vraiment qu’une partie de rigolade !

Je suis venu. J’ai vu. J’ai vaincu.

C’est sobre et sec comme une phrase de militaire. Il n’y a pas à discuter ni à sourciller, il n’y a pas de quoi fouetter un chat non plus. C’est comme ça. Pas besoin de fioritures pour exprimer la force de l’homme de pouvoir, peu soucieux de nuances et peu enclin à épater la galerie.

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Conseil de lecture : La ponctuation ou l’art d’accomoder les textes, Olivier Houdart et Sylvie Prioul - Édition du Seuil

lundi 19 mars 2007

Le rire d'Alcofribas Nasier


Ex-moine et médecin, cet illustre inconnu, non moins universellement célèbre, publia à Lyon en 1532 chez le fameux imprimeur Étienne Dolet un premier livre qui eut un très grand succès puis deux ans plus tard un deuxième ouvrage dont le héros n’est autre que le père du personnage principal du livre précédent. Ses deux héros sont des géants truculents, goinfres et débonnaires, qui n’ont rien de ces ogres cruels dévoreurs d’enfants, et leurs faits et gestes comme leur gloutonnerie sont au centre d’innombrables passages comiques où le burlesque rivalise avec la bouffonnerie, le grotesque et même la grivoiserie. L’auteur en question ne s’est jamais caché, du reste, de son intention avant tout de faire rire ses lecteurs. Ne l’écrit-il pas dans un Avis au lecteur du deuxième livre et ne fait-il pas l’apologie du rire quand, en bon médecin humaniste, il le prescrit comme une véritable médication et une hygiène mentale indispensable à la santé individuelle et collective par le plaisir qu’il procure, « cette vertu curative » du rire qu’il défend faisant, au passage, d’Alcofribas Nasier l’ennemi public numéro un des réformateurs rigoristes et austères de l’époque, Calvin en tête, qu’ils soient catholiques ou protestants ? Il faut dire que notre homme, en véritable électron libre, est allé jusqu’à mettre sur le même plan les bienfaits thérapeutiques des Chroniques de Gargantua et ceux de la Bible et de l’Évangile !
Mais voici ce qu’écrit notre moine défroqué dans son deuxième livre :

“Amis lecteurs, qui ce livre lisez,
Despouillez vous de toute affection;
Et, le lisant, ne vous scandalisez:
Il ne contient mal ne infection.
Vray est qu’icy peu de perfection
Vous apprendrez, si non en cas de rire;
Aultre argument ne peut mon cueur elire,
Voyant le dueil qui vous mine et consomme :
Mieulx est de ris que de larmes escripre,
Pour ce que rire est le propre de l’homme.”

Ce court texte n’est ni plus ni moins qu’un extrait de LA VIE TRES HORRIFICQUE DU GRAND GARGANTUA PERE DE PANTAGRUEL.
Jadis composée par M. Alcofribas Nasier, abstracteur de Quinte Essence.
Livre plein de Pantagruelisme.

Car François Rabelais, que tout le monde aura reconnu, et Alcofribas Nasier ne sont qu’un seul et même personnage, le célèbrissime auteur des Horribles et Espouvantables Faicts et Prouesses du très renommé Pantagruel, roy des Dipsodes, fils du grant Gargantua et de la Vie très horrificque du grant Gargantua, père de Pantagruel, ayant dû publier ses deux premières œuvres sous un pseudonyme -un anagramme de son nom et de son prénom- en raison de la censure qu’exerça à son encontre La Sorbonne, alors faculté de théologie, pour cause d’obscénité.

samedi 17 mars 2007

Humour des mots croisés (1) : solutions

Chose promise, chose due, voici les solutions des définitions de mots croisés du post du 8 mars. Mais d’abord, je vais faire amende honorable : une erreur s’est glissée à propos du nombre de lettres de la quatrième définition Rapports sexuels : c’était neuf lettres et non cinq. Soit je ne sais pas compter, soit je me suis mélangé les pinceaux avec un copier-coller. J’espère que vous voudrez bien me pardonner. A part ça, avouez que les solutions étaient faciles à trouver !

1- Certaines font un tabac, d’autres sont fumeuses : IDÉES
2- Un plat dont on n’est généralement guère friand : CREVAISON
3- N’est plus à la portée du canon : ENLAIDI
4- Rapports sexuels : SEX-RATIOS
5- Finit souvent à la corbeille : OSIER
6- Est à l’ombre quand on n’en a pas : NADIR
7- Toujours moyenne quand elle est proche mais pas toujours proche quand elle est moyenne : ORIENTALE
8- Dérive des continents : ÉNURÉSIE
9- Ne tient pas debout quand il est cru : ŒUF
10- Se sert rarement sans carpe : DIEM

jeudi 15 mars 2007

Rires en boîte


L’utilisation des rires enregistrés (laugh track) dans les séries télévisées est devenue monnaie courante en France et un peu partout dans le monde. Cette pratique on ne peut plus kitsch, qui existe déjà depuis plus de cinquante ans aux Etats-Unis dans les sitcoms, est employée pour donner l’illusion que les émissions ont été enregistrées en public et surtout pour signaler un gag et persuader les téléspectateurs que celui-ci est irrésistible. À croire que les producteurs de l’émission ne sont pas si sûrs que ça de leur humour à moins qu’ils ne prennent tout bêtement le téléspectateur pour un âne. À quand des sous-titres indiquant « RIEZ » ou « SOURIEZ » ou encore, pourquoi pas, aux moments les plus dramatiques, « SURTOUT NE RIEZ PLUS » !
Mais trêve de plaisanterie, pendant l’Antiquité, après tout, ne payait-on pas des femmes pour pleurer, se lamenter et vociférer de douleur pendant les funérailles ? Et si cette pratique, sait-on jamais, devait revenir à la mode, on imagine que ces pleureuses seraient avantageusement remplacées de nos jours, la technique aidant et compte tenu de la difficulté de trouver du personnel compétent, par des pleurs enregistrés diffusés tout autour du cercueil, histoire d’indiquer aux gens pas encore convaincus de pleurer que pendant des obsèques, ce n’est pas vraiment le lieu ni le moment de rigoler. Mais le comble du mauvais goût, pendant qu’on y est, serait de payer des figurants et des comédiens pour grossir l’assistance participant à la cérémonie funèbre en prenant soin de leur donner, dans une distribution savamment élaborée, des rôles d’hypocrites, de personnes sincèrement tristes, de gens divers venus seulement se faire voir ou même de vieux cousins oubliés de la famille du défunt. Et, après le cimetière, tout se terminerait, comme il se doit, au cours d’un banquet bien arrosé, dans la liesse collective amplifiée par des rires enregistrés et des pancartes indiquant avec précision les moments où l'on est tenu de s'esclaffer.

mardi 13 mars 2007

Vie conjugale (3)


Les célibataires font les meilleurs maris, les maris les meilleurs amants.

Certaines femmes, pendant l’acte d’amour, ont le don de poser des questions qui invitent à l’impuissance.

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(Aphorismes personnels in Aphorismes de comptoir - Ed. de l’Adret, 1999)

vendredi 9 mars 2007

Opéra-comique


Pas si comique que ça, l’opéra-comique si on réfléchit bien ! Né à la fin du règne de Louis XIV sur les tréteaux des foires parisiennes où se pressaient le petit peuple comme la grande noblesse, ce théâtre très populaire avait au début pour répertoire des parodies d’opéras. Il se rapprochait de la commedia dell’arte dont il avait récupéré les personnages, comme Arlequin ou Colombine , des comédiens italiens présents en France depuis longtemps mais chassés hors de Paris par le Roi-Soleil. Comme l’opera buffa dont en partie il était issu, il traitait dans un langage vernaculaire de questions intéressant le petit peuple sur un ton léger, plaisant et amusant. Mais à la différence de l’opera buffa, né aussi de la commedia dell’arte, qui consistait en petits intermèdes comiques (intermezzi) placés entre les actes d’un opera seria (sérieux) et qui donc en dépendait, l’opéra-comique était un genre complètement autonome fondé sur la satire du grand opéra sur un mode ironique souvent très politique.
Pourtant s’il s’oppose à l’Opéra de Paris par son caractère parodique digne des chansonniers, par des héros et des thèmes simples et proches des gens et par un mélange de parler et de chanter en français, un peu comme dans l’opérette (mais dans cette dernière l’exigence musicale notamment pour les voix est moindre) –pour l’Opéra de Paris au contraire, de grands récitatifs, des héros antiques et uniquement le chant-, le théâtre de l’Opéra-comique sera ensuite un lieu de création d’innombrables œuvres lyriques plus sérieuses, sentimentales, dramatiques voire même tragiques comme Pelléas et Mélisande de Debussy, œuvre par-dessus le marché musicalement difficile, pour ne citer que celle-ci. On peut même dire que l’ensemble des œuvres du répertoire actuel de l’Opéra de Paris vient de l’Opéra-Comique.
Mais quel est actuellement l’avenir de la salle Favart, le dernier authentique théâtre à l’italienne de Paris, qui, après maintes fermetures et subventions, est en train de renaître de ses cendres ? Il tient dans le projet de son nouveau directeur qui semble vouloir avec passion redonner au Théâtre de l’Opéra-comique non seulement sa vocation première de grand théatre lyrique et de lieu de création mais encore son âme et cela dans toute sa tradition historique c’est-à-dire avec un répertoire hétérogène allant de la satire et la loufoquerie jusqu’à des œuvres plus exigeantes et sérieuses. Et ce directeur n’est autre, tenez-vous bien !, que le créateur, avec Macha Makeïeff, des Deschiens, Jérôme Deschamps !

jeudi 8 mars 2007

Humour de mots croisés

Mozart disait à propos de la musique que les notes se suivent le plus naturellement du monde car elles s’aiment. N’en est-il pas de même à propos des mots qui s’enchaînent si bien les uns derrière les autres dans un sketch, un roman, un poème ou une lettre que l’on écrit à un ami ? Il en va tout autrement dans une grille de mots croisés où les mots se livrent une lutte sans merci pour en occuper le maximum de cases blanches. Heureusement les cases noires, prêtes à s’interposer entre verbes, noms et adjectifs qui voudraient en découdre, veillent au calme, tels de véritables petits gendarmes, pour éviter le choc. Alors comment s’étonner que certains mots s’en sortent, au terme d’une pareille bataille fratricide, un tantinet tirés par les cheveux ?

Ayant publié pendant dix ans des mots croisés dans un hebdomadaire, je propose à votre sagacité dix définitions (faciles) de mon cru.

1- Certaines font un tabac, d’autres sont fumeuses (6 lettres)
2- Un plat dont on n’est généralement guère friand (9 lettres)
3- N’est plus à la portée du canon (7 lettres)
4- Rapports sexuels (5 lettres)
5- Finit souvent à la corbeille (5 lettres)
6- Est à l’ombre quand on n’en a pas (5 lettres)
7- Toujours moyenne quand elle est proche mais pas toujours proche quand elle est moyenne (9 lettres)
8- Dérive des continents (8 lettres)
9- Ne tient pas debout quand il est cru (4 lettres)
10- Se sert rarement sans carpe (4 lettres)

Rien ne vous empêche de vous mouiller en faisant des suggestions dans un commentaire.

Résultats dans un prochain post…

mardi 6 mars 2007

Plagiat



Si j’écris : « L’assemblage d’un certain nombre de feuilles portant des signes destinés à être lus que je suis en train de suivre des yeux en identifiant des caractères est pour moi la cause d’une impression de vide causée par une occupation monotone et sans intérêt », je veux en fait tout simplement dire : « Le livre que je suis en train de lire m’ennuie. », mais je ne l’ai pas écrit car je me suis imposé une contrainte, celle de remplacer les principaux mots de la phrase par leur définition du dictionnaire au risque d’alourdir singulièrement ma phrase.
Ainsi ai-je fait de l’“oulipisme” en le sachant, et à ce titre je me suis comporté en plagiaire. Mais j’aurais pu aussi le faire sans le savoir, si je n’avais jamais entendu parler de l’Oulipo (OUvroir de LIttérature POtentielle), né en 1960 à l’initiative de l’écrivain Raymond Queneau et du mathématicien François Le Lionnais dans le but de fonder un groupe de recherche et d’expérimentation de l’écriture par l’utilisation de structures ou contraintes formelles qui, en s’imposant aux auteurs, leur permettent, de produire des œuvres fondamentalement originales. Exemple de contrainte fameuse : écrire un roman sans la lettre E, ce que fit Georges Pérec dans La disparition.
Mieux, en supposant que j’aie vécu au 19ème siècle et que j’aie eu cette même idée de contrainte de remplacement de mots, je me serais quand même rendu coupable de plagiat aux yeux des Oulipiens, et plus exactement de plagiat par anticipation ! En somme, les classiques et les poètes qui se sont imposé la contrainte de la versification ont été des Oulipiens sans le savoir avant même que l'Oulipo n’existe et ont ainsi commis, eux aussi, un plagiat par anticipation.
Même si les Oulipiens ne se revendiquent pas comme comiques, vous avouerez que cette idée de plagiat par anticipation ne manque pas de sel ! Noël Arnaud, l’un des membres fondateurs de l’Oulipo, n’a-t-il pas écrit : « La recherche de l’effet comique n’est pas notre but ; quand il est là, c’est par surcroît. Nous n’avons rien à voir avec le music-hall, mais nous ne sommes pas là pour emmerder le monde ! »
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Illustration : Raymond Queneau

dimanche 4 mars 2007

L'humour au féminin


En établissant le sex-ratio des humoristes francophones sur le site internet de Wikipédia, j’ai calculé qu’il y a grosso modo une femme qui essaye de nous faire rire sur scène pour huit hommes. C’est peu mais chacun en conviendra, c’est beaucoup plus qu’il y a cinquante ans. Il y a donc un indiscutable progrès. Les causes de cette prédominance sont certainement multiples, parmi lesquelles on imagine pêle-mêle la place de la femme dans la société longtemps en retrait, objet décoratif et domestique sous contrôle et à la disposition des hommes tandis que ceux-ci à table ou dans le beau monde font des bons mots, l’utilisation agressive du rire et de l’humour par les mâles, combattants et compétiteurs nés, comme instrument de séduction, de domination ou de dévalorisation de l’adversaire ou du rival, difficulté de faire son trou dans un monde plutôt réservé aux hommes, incompatibilité apparente du caractère agressif, dominateur voire grivois de l’humour avec la féminité, rapport ambigu des femmes elles-mêmes avec leur propre image en raison d’un préjugé selon lequel les femmes drôles ne sont pas toujours -et ne doivent surtout pas être- les plus belles ni les plus féminines, sans oublier les incontournables hormones et un déterminisme à la fois inné et culturel cantonnant la femme davantage à la coopération et la conservation de la progéniture qu’à la recherche de la nouveauté, notamment dans un domaine, celui du rire et de l’humour, où, par excellence, il faut sans cesse surprendre et se renouveler (les créateurs se recruteraient, dit-on, avant tout chez les hommes !). Mais réjouissons-nous car tout cela change : les artistes de one woman show s’affirment de plus en plus comme humoristes avant d’être femmes et non l’inverse, elles sont belles et élégantes, elle ont souvent plus de classe que leurs homologues masculins, elles ont mis leur complexe d’infériorité au vestiaire et elles réservent de moins en moins leur humour à des thèmes spécifiquement féminins qui n’intéressent pas forcément les femmes et passionnent encore moins les hommes, tout en suscitant chez ces derniers une moquerie facile et de bas étage.
Mais je ne peux résister à établir un parallèle entre les femmes politiques et les femmes humoristes. Dans les deux cas, les citoyens comme le public ont tendance à les considérer davantage en fonction de leur sexe que de leur compétence ou de leur talent. Dans les deux cas, les mâles se sentant menacés dans leurs prérogatives et leur pouvoir, la condescendance et la raillerie sexiste ne sont pas loin et même bien vite ne manquent pas. Ce fut vrai pour Edith Cresson, c’est encore plus vrai pour Ségolène Royal qui brigue l’investiture suprême. Comme si, en politique comme dans l’humour, la femme ne pouvait pas être aussi l’avenir de l’homme ?

vendredi 2 mars 2007

L'humour de Jésus (suite)



Un jour, près du lac de Tibériade, Jésus accompagné de ses apôtres leur fait signe de se rassembler autour de lui pour l’écouter.
- En vérité en vérité je vous le dis : Y = a multiplié par X au carré, énonce-t-il d’une voix calme et assurée.
Perplexes, les apôtres se regardent, plongés dans l’incompréhension la plus totale. Alors Jésus prend une colère digne de celle qu’il avait eue envers les marchands du temple et dit :
- Mais enfin Pierre, Paul et les autres, vous n’avez donc pas compris que c’était une parabole !

(Arrangement personnel d'une blague archi-classique de matheux)

 
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